Faut-il attendre une troisième fausse couche pour faire un bilan étiologique ?

Femme triste enceinte

Les facteurs connus

Les fausses couches spontanées répétées définies dans cet article par la perte d’au moins deux grossesses avant 20 SA. Cet état de fait malheureux concerne 1 à 3 % des couples qui désirent un enfant. S’il est admis qu’il n’est pas nécessaire de faire un bilan complet après une seule fausse-couche, compte tenu de son caractère souvent isolé, des études ont montré que le risque de fausse couche-spontanée augmentait d’environ 11 % après chaque fausse couche.

Les facteurs de risque connus sont l’âge de la femme, les antécédents de fausses couches, les anomalies chromosomiques parentales, les anomalies utérines, les maladies endocriniennes, le syndrome des antiphospholipides, et les thrombophilies.

Démarrer les analyses dès la seconde fausse couche

Même après un bilan « complet », la cause des fausses couches récurrentes n’est identifiée que pour moins de la moitié des couples. Dans la majorité des cas aucun facteur modifiable n’est retrouvé.

Une étude a évalué les performances des bilans de fausses couches à répétition quand ils sont faits après une 2ème fausse couche ou après une 3ème FCS voire au-delà. Vingt et une publications ont été incluses, totalisant plus de 8000 couples.

Ni la fréquence des anomalies chromosomiques parentales, ni celle des malformations utérines, ni la prévalence du syndrome des antiphospholipides, des thrombophilies ou des dysfonctionnements thyroïdiens n’étaient significativement différentes après 2 FC ou après 3 FC voire plus.
Les méta-analyses retrouvaient :
– des anomalies chromosomiques parentales de 5,3 % après 2 FCS et de 6,6 % après 3 FCS ou plus,
– des anomalies utérines de 18 % après 2 FCS et de 17 % après 3 FCS ou plus,
– des anomalies du bilan syndrome des antiphospholipides, des thrombophilies ou des dysfonctionnements thyroïdiens n’étaient significativement différentes de 16 % après 2 FCS et de 15 % après 3FCS ou plus.

L’analyse de ces résultats est en faveur d’un bilan étiologique des dès la 2ème fausse-couche. Mais les résultats des bilans sont faibles, et une majorité des fausses couches spontanées répétées restent à ce jour sans cause identifiée, ni traitement.

Pourtant aussi faible le résultat soit-il, s’agissant de « grossesses précieuses » (notez que je déteste ce terme, toutes les grossesses sont précieuses, mais on nomme « grossesses précieuses », ces grossesses qui sont obtenues très difficilement) le jeu semble en valoir la chandelle assez rapidement sans attendre une 3ème fausse couche.

Des lueurs d’espoir malgré tout

L’étude sur laquelle se basent ces réflexions n’intègre cependant pas les techniques en cours d’évaluation comme peut l’être par exemple le bilan immunitaire de l’endomètre. Des approches comme Matricelab tendent à démontrer que les cas de suractivité immunitaire ou de sous-activité immunitaire, à ce jour peu étudiés, sont courants dans les cas d’échecs d’implantation ou de fausses couches à répétition. Une étude a été réalisée entre 2012 et 2014 avec 117 femmes présentant une récurrence de FC ou d’échecs d’implantation malgré le transfert d’embryons évalués comme qualitatifs. Cette étude a été complétée plus récemment par une cohorte de 1700 femmes donnant les mêmes ordres de grandeur en terme de résultats ; elle est cependant en cours de compilation. Ces femmes avaient reçu en moyenne 7 transferts. Parmi elles, après analyse de l’environnement immunitaire de leur endomètre :

  • 48% de femmes présentant une suractivité immunitaire
  • 30% présentant une sous-activité immunitaire.

Après mise en place d’un protocole spécifique et personnalisé, on retrouvait un taux de grossesse :

  • de 50% par embryon transféré chez les femmes présentant un contexte de sous-activité immunitaire
  • de 44% par embryon transféré chez les femmes présentant un contexte de suractivité immunitaire

D’autres perspectives pour les grossesses biochimiques

D’autres pistes sont actuellement à l’étude et pourraient permettre de compléter nos connaissances scientifiques relatives aux causes possibles de fausses couches à répétition. Certaines études impliquent la diminution de la production de coenzyme Q10 par les mitochondries avec l’âge ou avec l’insuffisance ovarienne. Il s’agit dans ce cas de fausses couches dites « précoces » aussi appelées « grossesses biochimiques », mais qui n’en sont pas moins traumatisantes à fortiori en cas de récurrence. Cette réflexion porte de plus en plus de pays à proposer une supplémentation en Coezyme Q10 chez des femmes présentant ces profils.

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