L’AMH ne condamne pas les chances de grossesse !

Qu’est-ce que l’hormone antimüllérienne ?
L’hormone antimüllérienne est une hormone qui se situe sur le Chromosome 19 de l’ADN humain (pas facile à placer en société mais sait-on jamais ! 😀 ). De manière plus « pratico-pratique », le Pr Alfred Jost a suggéré l’AMH dans les années 50 pour expliquer la régression des canaux de Müller… Kezako ???
Les canaux de Müller ce sont ces canaux qui, vers la 7ème semaine de la vie embryonnaire humaine vont :
- Se maintenir si le fœtus présente deux chromosomes X (autrement dit s’il s’agit d’une petite fille en devenir) et se développer en voie génitale femelle.
- Régresser si le fœtus présente un chromosome Y (autrement dit un futur petit gars). C’est cette AMH, sécrétée par les testicules du futur petit garçon, qui va aboutir à la régression de canaux de Müller.
Ce n’est qu’à partir de la 36ème semaine embryonnaire qu’une petite fille va, à son tour, sécréter cette sacro-sainte hormone…. Oui 5 semaines avant que la plupart d’entre vous ne voient le jour !
Pourquoi parle-t-on autant de l’AMH et de la fertilité, alors qu’elle était absente des discussions il y a encore 10 ans ?
L’AMH n’a réellement été purifiée pour la première fois que vers la fin des années 80, et si son rôle dans le cycle ovarien a commencé à être étudié par les chercheurs dans les années 90, ce n’est vraiment que depuis le début du nouveau millénaire que l’on commence à vraiment s’y intéresser. Autant dire qu’à aujourd’hui, on est très très loin d’avoir percé tous ses mystères. Elle est au cœur de multiples controverses au sein du corps médical, des chercheurs… Mais aussi d’une partie du corps médical en activité aujourd’hui qui avait quitté les bancs de la fac lorsqu’elle a commencé à faire son entrée dans les manuels étudiants.
Quel rapport avec cette hormone que l’on vous demande de doser en PMA… Et qui n’est pas remboursée de surcroît ?
Quel est le rapport entre l’AMH et la réserve ovarienne?
A la naissance, la réserve folliculaire d’une petite fille est constituée de plusieurs centaines de milliers de follicules. Ces follicules sont des tout petits œufs remplis de cellules appelées les Cellules de la Granulosa qui entourent l’ovocyte. Ce sont précisément ces cellules de la Granulosa qui sécrètent l’AMH. Entre le stade préantral (follicules microscropiques prêts à entrer dans la course au développement) et l’ovulation, il se passe environ 90 jours. Durant ces 90 jours, tous les follicules à des stades différents de développement sécrètent de l’AMH.
Voici un petit schéma issu de l’article « Dosage sérique de l’hormone antimüllérienne en gynécologie : indications et limites »

Seul le « Follicule de Graaf » ovulera, mais on peut malgré tout constater plusieurs centaines de follicules présents en permanence à différents stade de leur évolution. Étant donné que chacun sécrète de l’AMH et que le nombre exact est à peu près proportionnel à la réserve ovarienne totale… Il n’y a qu’un pas pour affirmer que le « score » reflète peu ou prou la réserve ovarienne. Pour autant on ne peut pas considérer que l’AMH est un reflet exact de la réserve ovarienne. Comme vous l’aurez compris, il ne s’agit là que d’une mesure imparfaite ! On ne peut que retenir si la valeur est basse, normale ou élevée, il est donc inutile de refaire la mesure d’une année sur l’autre. Les petites variations n’auront aucune signification ! Elles ne seront pas interprétables.
Il est absolument nécessaire de la corréler à d’autres paramètres pour valider un diagnostic :
- Echographie avec dénombrement des follicules antraux à J3*
- La FSH et l’Oestradiol à J3* (ces deux hormones se lisent nécessairement ensemble, CF article Fertissime sur la FSH)
- la LH à J3*
- l’Inhibin B (quoi que de moins en moins demandée) à J3*
*J3 est le 3ème jour du cycle, J1 étant le 1er jour des règles (Tolérance entre J2 et J5)
Peut-on limiter l’AMH à l’état de marqueur de la réserve ovarienne ?
Pas tout à fait. Il apparait assez nettement qu’une AMH basse est un élément souvent discriminant dans une réponse en stim. Pour cette raison, elle fait partie des Critères de Bologne pour évaluer les chances de réponse en stimulation. Toutefois les critères de Bologne ne s’arrêtent pas à l’AMH : L’AMH seule ne permet pas de prédire une mauvaise réponse en stimulation.
Par ailleurs, la diminution de l’AMH étant dans la grande majeure partie des cas intrinsèquement liée à l’âge de la femme. Il convient donc de se demander si l’âge n’est pas un critère encore plus discriminant que l’AMH à ce niveau.
La Haute Autorité de Santé retient pour sa part que « … la valeur prédictive de l’AMH pour la prédiction de l’âge de la ménopause chez les femmes est médiocre. « . Elle se base notamment sur l’étude « Can we predict age at natural menopause using ovarian reserve tests or mother’s age at menopause? A systematic literature review. » pour conclure que « les modèles testés pour la prédiction de l’âge de la ménopause incluant le CFA, l’AMH ou l’âge de la ménopause de la mère fournissent des intervalles de prédiction très larges. Pour cela, ces modèles ne sont pas pertinents pour la prédiction de la ménopause ou la fin de la fertilité naturelle chez les femmes dans la pratique clinique. «
Quel est le rôle de l’AMH dans la fertilité ?
Le rôle de l’AMH est principalement indirect. Elle est à ce jour uniquement un élément de diagnostic pouvant laisser supposer la réponse à une stimulation. Par contre :
- On sait que lorsqu’elle traduit un Syndrome des Ovaires Polykystiques, toutes les difficultés inhérentes à ce syndrome peuvent compliquer les choses.
- Si elle traduit une insuffisance ovarienne, alors ce sont les causes de l’insuffisance ovarienne qui vont déterminer le pronostic.
En d’autres termes, même si on s’injectait de l’AMH pour faire remonter une AMH basse, ou si l’on trouvait un moyen de la faire baisser quand au contraire elle est trop haute on ne changerait rien au niveau de fertilité.
Il est aujourd’hui admis que l’AMH a un rôle limité dans la fertilité et dans le cycle hormonal . Retenons principalement que les follicules qui ne sont pas prêts à être recrutés en sécrètent pour inhiber les effets de la FSH (pour ne pas qu’ils soient recrutés alors qu’ils ne sont pas prêts à l’être).
Une AMH haute ou basse ne condamne pas les chances de grossesse !
Pour ce qui est de l’AMH elle-même, retenons que son rôle est mineur dans le cycle hormonal lui-même. L’article « Hormone antimüllérienne : nouveautés physiologiques et expérimentales chez la femme » précise d’ailleurs que « L’AMH pourrait également différer selon les ethnies ».
En effet, deux études ont observé des valeurs d’AMH sériques 25% plus basses pour une même tranche d’âge, chez les femmes hispaniques et noires, comparativement aux caucasiennes…. Ce qui n’altère pour autant pas leur fertilité.
En outre un pourcentage assez inattendu d’AMH à des taux indétectables a été observé chez des femmes noires. Ce constat s’entend malgré un âge relativement jeune et la persistance de cycles réguliers. Ces données suggèreraient que, dans des populations spécifiques, la mesure de l’AMH pourrait ne pas être fiable pour prédire la réserve ovarienne . Ainsi, considérant qu’une partie de la population conserve un cycle hormonal et une fertilité standard, malgré des taux indétectables, on pourrait déduire que l’AMH n’est donc pas un élément indispensable à l’obtention d’une grossesse.
l’Etude « Normal Serum Concentrations of Anti-Mullerian hormone in a population of fertile women in their 1st trimester of pregnancy » parait très intéressante à ce sujet. Il s’agit de la première étude qui n’est pas basée sur des femmes fréquentant des centres de PMA. Elle est réalisée sur une population de femmes fertiles. 340 femmes ayant eu recours à un avortement au cours du premier trimestre de leur grossesse ont accepté de participer à une étude incluant l’évaluation des valeurs AMH qu’elles présentaient. Sur ces 340 femmes de 15 à 50 ans, sans désir de grossesse :
- 13,5% présentaient des AMH sériques inférieures à 0,75ng/ml
- 2,8% présentaient une AMH inférieure ou égale à 0,4.
Parmi les grossesses obtenues avec une AMH située entre 0,4 ng/ml et une valeur indétectables, nous retrouvions 3 situations :
- 1 seul rapport en cours de cycle sans contraception
- Oubli de contraception ponctuel
- Absence de contraception lié à des règles exceptionnelles.
Ces résultats sont assez proches de l’AMH moyenne des femmes fertiles. Ils laissent donc entendre que si l’AMH est prédictive de la réponse ovarienne à une stimulation, elle n’apporte pas d’information sur les chances de grossesse !
Les stimulations à répétition font-elles baisser l’AMH ? Diminuent-elles la réserve ovarienne ?
Le petit schéma ci-dessus souligne que les follicules des stades primaires et primordiaux ne sont pas hormono-dépendants. C’est très important ! Ceci signifie que lorsque l’on procède à une stimulation ovarienne, seuls les follicules hormonaux-dépendants sont sensibles à celle-ci. La stimulation, quelque soit son dosage, ne peut que recruter des follicules qui, si on ne les avait pas stimulés, seraient entrés en atrésie dans les jours à venir (ils se seraient auto-détruits). Autrement dit, bonne nouvelle : non une stimulation n’a pas d’impact sur la réserve ovarienne !
Quelles sont les valeurs de référence ?:
Il n’existe pas de valeurs de références communément admises. La Haute Autorité de Santé précise la difficulté d’établir des normes étant donné que les kits d’appréciation de l’AMH utilisés par les labos à ce jour amènent des valeurs différentes. Toutefois plusieurs instances émettent des ordres d’idées :
- Une AMH élevée peut laisser entendre qu’un nombre important de follicules sont dans la course. Cela peut mettre sur la voie d’un Syndrome des Ovaires Polykystiques (SOPK) qui sera validé à l’échographie et adossé à un bilan hormonal plus complet. On note néanmoins des grossesses y compris naturelles et spontanées malgré des taux d’AMH très élevés. Le Conseil National Professionnel d’Endocrinologie – Diabétologie – Maladies Métaboliques évoque une valeur de 5 ng/ml au delà de laquelle il peut être pertinent d’approfondir les analyses.
- Une AMH faible peut laisser penser à une diminution de la réserve ovarienne. Sans qu’il n’y ait de consensus sur ce qui doit être considéré » faible », on peut se baser sur les critères de Bologne pour évaluer le risque d’une mauvaise réponse en stimulation qui fixent le seuil entre 0,5 ng/ml et 1,1 ng/ml.
Attention les kits de seconde génération (AMH Gen II modifiés) donnent des valeurs supérieures (jusqu’à 28% de différence) par rapports aux kits de 3ème génération.
Qu’est ce qui fait diminuer l’AMH ?
L’AMH tend à diminuer généralement à partir de l’âge de 25ans jusqu’à devenir indétectable au moment de la ménopause. Pour autant cette diminution peut être plus ou moins rapide selon les causes de cette diminution de l’AMH, par exemple :
- Si l’âge est en cause, elle diminuera généralement de manière régulière,
- Une exposition à de la chimiothérapie est en cause, elle pourra amener une diminution brutale,
- Si des facteurs héréditaires peuvent aboutir à une AMH précocement diminuée, celle-ci peut malgré tout demeurer stable sur plus de 10 ans !
Certains facteurs semblent induire une diminution de l’AMH ponctuelle, indépendante de la réserve ovarienne. Selon les études, on va retrouver le tabac, la prise d’une pilule oestro-progestative, la grossesse. Certaines études pointent également les carences en vitamine D. La diminution de l’AMH est alors simplement conjoncturelle. Elle n’est pas corrélée au reflet direct de la réserve ovarienne, dans le sens ou après l’arrêt du tabac, le post-partum, l’arrêt de la pilule ou le rééquilibrage d’une carence en vitamine D, l’AMH peut ré-augmenter. Cela ne changera pour autant pas grand chose en terme de fertilité.
Ceci dit, l’étude « Normal Serum Concerntrations of Anti-Mullerian hormone in a population of fertile women in their 1st trimester of pregnancy » invalide l’impact du tabac sur l’AMH sur une population de femmes fertiles. Un consensus semble néanmoins établi sur le fait que le tabac pourrait avancer l’âge de la ménopause de 1 à 2 années. Cette même étude semble également invalider l’idée selon laquelle l’AMH pourrait varier sous l’effet de l’IMC.
Qu’est ce qui la fait augmenter ?
Il faut savoir que l’AMH peut tout à fait fluctuer comme vu précédemment, notamment d’une saison à l’autre. Par contre au cours d’un même cycle les variations sont infimes. C’est le côté pratique de l’AMH. Nous pouvons la mesurer à n’importe quel moment du cycle sans grosse incidence sur le résultat ! Elle peut varier d’un mois sur l’autre si la cohorte de follicules varie pour des raisons inexpliquées à ce jour. Toutefois cela n’aura pas d’impact sur les chances de grossesse.
Les variations seront plus importantes chez une femme présentant une AMH élevée que chez une femme présentant une AMH faible. Cependant contrairement aux idées reçues, une variation de l’AMH n’améliore pas les chances de grossesse. En effet, même si de manière conjoncturelle l’AMH peut varier, la réserve ovarienne ne se reconstitue pas pour autant :-(.
S’imposer des prises de sang sur plusieurs mois a peu d’intérêt. L’AMH donne une tendance sur l’état de la réserve ovarienne, mais la valeur précise ne donne pas d’information supplémentaire. A ce titre, quel que soit le résultat, les médecins Américains ne retiennent que le plus bas.
Que retenir alors ?
Il faut retenir que l’AMH donne une information imprécise sur la réserve folliculaire en quantité. Elle n’est pas prédictive a elle seule des chances de grossesse puisqu’elle ne reflète aucunement la qualité de cette réserve. Elle est néanmoins un facteur prédictif de la réponse en stim.
Selon les pathologies, il convient d’ailleurs de préciser que les FIV ne sont pas nécessairement la meilleure réponse. On peut voir assez couramment des grossesses naturelles, en stim simples ou en IAC après plusieurs échecs en FIV ! A ce sujet, vous pouvez faire un tour sur INSUFFISANCE OVARIENNE, FIV ou IAC ? ainsi que les autres articles associés.